Je suis donc je me sens

 

 

Il nous a été transmis une interprétation d’une citation de Descartes qui s’est transformé à travers les générations en « Je pense donc je suis ». Cette interprétation a baigné l’inconscient collectif de l’occident et a peut-être participé à donner la primauté au processus réflexif dans la compréhension de nous-mêmes. C’est aussi le parti pris de certaines psychothérapies et psychanalyses. Ce processus va alors permettre une prise de conscience, une analyse et une compréhension des nœuds de souffrance de notre histoire et notamment à travers de cela, une plus profonde compréhension de nous-mêmes. On donne du sens pour mettre en lumière et ordonner les événements dont l’empreinte ressurgit dans notre vie actuelle.

En complémentarité du processus réflexif, existe le processus sensitif qui s’appuie sur la perception de soi-même au moyen du ressenti corporel. Il s’agit d’observer une transition progressive vers la perception de notre intériorité et expérimenter notre corps plus comme une source d’informations qu’un objet à notre service.

Il est le siège du vécu et du ressenti de nos émotions, sentiments et perceptions du monde. Développer la capacité de les écouter en rentrant en contact avec les sensations de son corps nous aide alors à percevoir plus clairement nos besoins. Affiner la qualité de présence à nos différents sens permet de vivre plus pleinement et intensément nos expériences de vie.

 

Dans la tradition indienne et plus largement orientale, le clivage corps-esprit est une illusion. Il n’existe pas en tant que tel une suprématie du cerveau sur le corps, du mental et du processus réflexif sur l’intelligence du corps.

Pour les médecines chinoise et indienne, les émotions et notre rapport à notre environnement se vivent dans le corps. Un déséquilibre peut survenir entre ce que notre corps exprime et ce que la tête impose. S’il persiste et/ou se répète, alors une tension apparaît, conséquence du conflit intérieur qui se joue.

Dans certaines thérapies psycho-corporelles occidentales, cette sensibilité du corps (ou « felt sense ») est utilisée pour soutenir la thérapie. C’est le cas -entres autres- du Somatic Experiencing, du Focusing et de l’Integral Somatic Psychotherapy.

Dans les années 50-60, Eugène Gendlin, le fondateur du Focusing se questionne sur les raisons pour lesquelles certaines personnes avancent plus vite que d’autres durant leur thérapie. Il réalise et visionne des centaines d’heures de séances et observe que les patients posant eux-mêmes des mots sur leurs ressentis corporels vivent une progression et un accès à la résilience plus rapides. Il continue alors ses recherches et met en place progressivement un « protocole » qui permet de passer de la perception et identification de la sensation corporelle à sa libération lorsque celle-ci est désagréable (ce qui est souvent le cas lorsque l’on vient en contact avec une souffrance).

Le protocole du Somatic Experiencing diffère quelque peu mais la fondation reste la même.

Le modèle de l’ISP s’appuie lui sur le fait qu’après avoir mis en relation la sensation corporelle et l’émotion, on lui donne plus de place dans le corps pour mieux la tolérer.

Dans ces trois thérapies, la perception du corps est un aspect essentiel du travail sur soi.

La méditation permet de prendre un temps pour venir en contact avec soi-même, se percevoir tel que l’on est à travers tout le panel des sensations qui cohabitent. On accueille ce qui est, sa beauté et ses imperfections. On se découvre avec curiosité et sincérité. On développe une capacité de présence qui en diminuant les ruminations du mental permet une disponibilité plus grande au monde.

L’intégration par la pratique de la méditation permet de faire émerger progressivement un sentiment de cohérence et d’harmonie perceptible dans votre vie.

 

Je tiens à remercier Blandine Ferte pour l’aide fournie à l’écriture de cet article.

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